La loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique dite (la « SREN »), adoptée le 21 mai 2024, modifie les règles applicables à la publication de services numériques en France. Elle introduit de nouvelles obligations pour les éditeurs de sites internet et plateformes en ligne, et harmonise le droit national avec le Règlement européen 2022/2065 du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (le « DSA »).
Une réforme orientée vers l'harmonisation et la clarification
La régulation du numérique repose aujourd’hui sur une articulation entre les textes européens et les lois nationales.
En France, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l’Economie Numérique (la « LCEN »), constituait jusqu’à récemment la principale référence en matière d’identification des éditeurs, de responsabilité des hébergeurs de sites web et plateformes en ligne. Avec l’entrée en vigueur du DSA, le législateur a adapté la LCEN à ce nouveau cadre européen. La SREN qui en résulte ne bouleverse pas le système existant, mais apporte des précisions importantes et supprime certaines redondances.
Cet article présente les principales modifications introduites par la SREN et le DSA, en se concentrant sur les changements applicables aux éditeurs de plateformes en ligne.
Réorganisation des articles et clarification de la structure de la LCEN
La première modification apportée par la SREN est d’ordre formel. Elle consiste à réorganiser le texte de la LCEN, en séparant clairement les dispositions relatives aux obligations d’information des utilisateurs de celles portant sur les sanctions. Jusqu’ici, ces éléments étaient regroupés dans l’ancien article 6, parfois dense et difficile à exploiter pour les professionnels concernés.
Désormais :
- Les obligations d’identification et de publication sont regroupées dans un nouvel article 1-1 de la LCEN ;
- Les dispositions relatives aux infractions et aux sanctions pénales sont intégrées à l’article 1-2 de la LCEN.
Cette réorganisation vise à rendre le texte plus accessible et plus lisible, sans en modifier substantiellement le fond, sauf dans les cas explicitement prévus par la SREN.
Une obligation d'identification élargie
L’une des grandes nouveautés de la SREN réside dans l’élargissement du périmètre des informations devant figurer dans les mentions légales d’une plateforme en ligne.
Auparavant, les éditeurs étaient tenus de mentionner les éléments suivants :
- L’identité de l’éditeur (nom, dénomination sociale, coordonnées) ;
- Le nom du directeur ou codirecteur de la publication ;
- L’identité de l’hébergeur au sens classique, c’est-à-dire celui qui assure le stockage des contenus publiés sur le site.
La SREN ajoute une catégorie supplémentaire de prestataires à identifier : ceux qui assurent le stockage de données traitées directement dans le cadre du fonctionnement du service. Il ne s’agit plus seulement du contenu visible (textes, images, vidéos), mais aussi des données collectées, hébergées ou utilisées en arrière-plan pour faire fonctionner l’application ou la plateforme.
Cela inclut, par exemple, les bases de données utilisateurs, les journaux de connexion, ou encore les données analytiques internes.
Cette extension s’applique aussi bien aux données à caractère personnel qu’aux données techniques. Elle répond à une volonté de mieux informer les utilisateurs sur l’endroit où sont hébergées leurs données, et sur les prestataires susceptibles d’y avoir accès.
Une mise à jour des mentions légales à prévoir
Pour les éditeurs de sites et de services numériques, les conséquences concrètes de la SREN sont principalement organisationnelles.
Il est désormais nécessaire :
- D'identifier tous les prestataires intervenant dans le traitement et le stockage de données, y compris ceux qui n’étaient pas visés auparavant ;
- De mettre à jour les mentions légales en conséquence, afin de respecter les nouvelles exigences
- Vérifier que ces informations sont rédigées de manière claire, accessible, et mises à disposition selon les standards définis.
Ces ajustements peuvent nécessiter une revue des mentions légales existantes, notamment pour les plateformes utilisant des solutions cloud externes, des plateformes d’analyse de données ou des outils de traitement tiers.
Suppression de dispositions obsolètes ou redondantes
L’adoption du DSA au niveau européen a conduit le législateur français à supprimer certaines dispositions de la LCEN, devenues soit redondantes, soit incompatibles avec le nouveau cadre européen.
Parmi les éléments supprimés, on trouve :
- L’obligation de mettre en place un mécanisme de signalement des contenus illicites ;
- La présomption de connaissance de contenus illicites par l’hébergeur lorsqu’il reçoit une notification.
- L’obligation de signalement spécifique concernant les jeux d’argent ;
- L’interdiction générale de surveillance imposée aux hébergeurs
La suppression de ces articles permet d’alléger la LCEN tout en maintenant les protections existantes, puisqu’elles sont reprises dans le règlement européen directement applicable en France.
Les renvois directs au règlement européen
Pour toutes les Plateformes
En complément des dispositions nationales, le DSA impose un socle commun d’obligations à toutes les plateformes en ligne.
Les principales exigences applicables aux plateformes opérant dans l’Union européenne sont les suivantes :
Disposer de conditions générales d’utilisation :
- Lisibles et compréhensibles à tous les stades de la relation contractuelle ;
- Systématiquement communiquées aux utilisateurs de la plateforme en cas modification importante, avec un préavis raisonnable d’au moins 15 jours ;
- Informant les utilisateurs de la plateforme à propos des conditions de suspension, restriction ou résiliation d’un compte et prévoyant un traitement interne des litiges pour les utilisateurs professionnels.
Signaler tout contenu illicite : le DSA impose la mise à disposition d’un formulaire de signalement standardisé, permettant à toute personne de notifier un contenu litigieux. Le formulaire doit permettre de :
- Identifier le notifiant (nom et adresse mail) ;
- Prendre connaissance de l’emplacement (URL) et la description du contenu illicite ;
- Solliciter du notifiant une déclaration sur l’honneur que les allégations sont exactes et complètes ;
- Traiter la plainte par l’envoi d’un accusé de réception puis la communication de la décision motivée à l’auteur du signalement et la personne visée.
Mettre en place des points de contact : chaque plateforme doit désigner:
- Un point de contact institutionnel pour les autorités compétentes ;
- Un point de contact dédié aux utilisateurs, accessible facilement.
Notifier toute infraction grave : en cas de suspicion fondée d’une infraction pénale grave (atteinte à la vie ou à la sécurité), toute plateforme doit être en mesure de transmettre l’information sans délai aux autorités judiciaires ou administratives compétentes.
Pour les plus grandes plateformes
Certaines obligations du DSA s’appliquent spécifiquement aux plateformes dépassant des seuils financiers ou d’effectifs (exclusion des micros et petites entreprises). Il est toutefois opportun, pour les autres opérateurs de mettre en place une partie de ces fonctionnalités, dans un souci de transparence et de conformité aux autres règlementations européennes dont le RGPD.
Parmi les obligations renforcées figurent :
- La gestion des réclamations par la mise en place d’un système de recours interne et gratuit ;
- Le règlement extrajudiciaire des litiges et l’information des utilisateurs sur leurs droits à ce titre ;
- La mise en place de signaleurs de confiance pour traiter prioritairement les signalements émanant de sources certifiées ;
- La prévention des abus par la suspension de comptes en cas de publication abusive ou signalements infondés ;
- La publication de rapports de transparence notamment en matière de politiques de modération ;
- Le respect d’un design des interfaces pour éviter toute pratique trompeuse ou manipulatoire ;
- La transparence en matière de publicité sur l’origine, le financement et le ciblage des annonces ;
- La transparence en matière de recommandation et notamment sur les critères utilisés pour suggérer des contenus et la possibilité d’en modifier les paramètres ;
- La traçabilité des professionnels par la vérification de l’identité des vendeurs inscrits sur la plateforme avant toute activité commerciale.
Des évolutions ciblées à intégrer rapidement !
La SREN ne crée pas un nouveau régime de régulation du numérique, mais adapte la LCEN à un cadre juridique européen en évolution.
Elle supprime les doublons avec le DSA, clarifie certaines définitions, et surtout, étend le champ des mentions obligatoires à de nouveaux acteurs techniques.
Pour les éditeurs et responsables de plateformes en ligne, cela suppose une mise à jour rigoureuse des mentions légales et une prise en compte des prestations techniques. Cela inclut également le respect des nouvelles obligations issues du DSA qui ont des conséquences tant sur le plan documentaire que technique.
La conformité à cette nouvelle exigence relève d’une démarche de transparence, mais aussi de sécurité juridique, dans un environnement réglementaire de plus en plus harmonisé à l’échelle de l’Union européenne.
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