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[Droit du travail] Inaptitude du salarié : l’attitude attentiste de l’employeur peut être sanctionnée

Le 11.02.2025 0 commentaires
Droit du travail - Inaptitude du salarié : l’attitude attentiste de l’employeur peut être sanctionnée
L'inaptitude d'un salarié place l'employeur face à un dilemme complexe entre reclassement et licenciement. Chaque situation nécessite une évaluation minutieuse des possibilités de maintien dans l'emploi. Une décision tardive peut entraîner des conséquences financières importantes pour l'employeur, l'obligeant ainsi à agir rapidement tout en faisant preuve de discernement. Dans cet article, Nicolas Sanchez, avocat en droit du travail et Elsa Bighetti De Flogny, juriste en droit du travail, analysent les enjeux juridiques et les bonnes pratiques des employeurs face à l’inaptitude d’un salarié.

Résiliation du contrat de travail : l’inactivité forcée du salarié comme motif légitime

Sauf dans les cas de dispense prévus par l’article L1226-2-1 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident (professionnels ou non), est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit rechercher un autre emploi approprié à ses capacités (c. trav. art L. 1226-2).

Aussi, l’employeur doit effectuer, en toute bonne foi, une recherche de reclassement.

En l’absence de solution de reclassement, l’employeur engage une procédure de licenciement.

Les enjeux économiques d’une procédure de licenciement pour inaptitude peuvent être conséquents, notamment eu égard aux montants des indemnités à verser au salarié.

Aussi afin d’éviter une attitude trop attentiste de l’employeur dans la recherche de reclassement et/ou dans l’engagement de la procédure de licenciement, le législateur a instauré une règle d’ordre public à savoir :

« Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail » (C.trav. art L. 1226-4).

En résumé, si un mois après la visite médicale de reprise où le salarié est déclaré inapte l'employeur n'a ni trouvé un nouveau poste adapté pour le salarié, ni procédé à son licenciement, il doit alors reprendre le versement de son salaire habituel.

Quid de l’employeur qui tarde à agir et maintient de ce fait le salarié dans une situation incertaine ?

Dans un arrêt du 4 décembre 2024, la Cour de cassation s’est penchée sur le cas d’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail et demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le médecin du travail avait rendu un avis d’inaptitude le 11 juin 2019 qui indiquait que l'état de santé de ce salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi tout en renvoyant à un précédent courrier par lequel il indiquait à l’employeur « les capacités restantes du salarié ».

Après avoir repris le versement du salaire, l'employeur propose au salarié un reclassement à l'étranger le 10 octobre 2019.

À la suite du refus du salarié, l'employeur demande des précisions au médecin du travail et consulte les autres sociétés du groupe pour un éventuel reclassement en novembre 2019.

N’étant toujours ni reclassé ni licencié au 31 janvier 2020 et considérant se trouver dans une situation d’inactivité indéfinie, le salarié, a saisi, la juridiction prud’homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

L’employeur finit par licencier le salarié le 26 mars 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La Cour d’appel, bien que reconnaissant que l’employeur a tardé à engager la procédure de reclassement puis de licenciement, déboute le salarié de sa demande de résiliation judiciaire au motif que l’obligation de reclassement est autonome de celle de la reprise du salaire et n’est donc pas soumise à un délai.

Néanmoins, la Cour d’appel, pouvait-elle valablement statuer ainsi alors qu’elle reconnaissait la lenteur de l’employeur à agir ?

La réponse est non pour la Cour de cassation qui n’a pas partagé cette analyse et censure la décision de la Cour d’appel.

La Cour de cassation après avoir rappelé l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, en déduit que le fait pour un employeur de maintenir un salarié inapte en inactivité forcée l’ayant poussé à saisir la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail constitue un manquement à ses obligations.

L’attitude attentiste de l’employeur est ici condamnée.

L’affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel pour être rejugée.

(Cass. soc. 4 décembre 2024, n° 23-15.337)

N’hésitez pas à contacter nos avocats en droit du travail qui peuvent vous accompagner dans la gestion des procédures de reclassement et de licenciement.

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