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Mandat de protection future : pourquoi et comment l’établir ?

Le 09.03.2021 0 commentaires
Mandat de protection future

Vous êtes dirigeant d’une société dont vous êtes très souvent également l’associé majoritaire voire l’unique associé ? Dans le cadre de vos fonctions de dirigeant, vous gérez et dirigez au quotidien votre entreprise ? 

Or, bon nombre de décisions restent du domaine d’une décision collective des associés, qui peut prendre la forme d’une assemblée générale, d’une consultation écrite ou d’un acte sous seing privé (fixation de votre rémunération, approbation des comptes annuels et décision de distribution de dividendes, agrément d’un nouvel associé, nomination ou changement de dirigeant, etc.).

Assemblée générale : les règles à respecter

Les décisions collectives des associés adoptées en assemblée générale ne sont juridiquement valables que si les associés sont présents ou représentés.

La représentation d’un associé pour participer à une assemblée générale dépend le plus souvent de la forme juridique de la société :

   > Pour une SAS, les statuts fixent librement qui peut représenter un associé à une assemblée générale

   > Dans une SARL, un associé peut être représenté par son conjoint (sauf si la société ne comprend que les deux époux), par un autre associé (s’il y a plus de deux associés) ou par un tiers non-associé si les statuts le prévoient

   > Dans une société anonyme, par le conjoint, partenaire de PACS, ou par une autre personne si les statuts le prévoient.

Les décisions collectives adoptées par acte sous seing privé ou par consultation écrite nécessitent que l’associé ait la pleine capacité juridique pour exprimer son vote.

Choisir le mandat de protection future pour anticiper l’incapacité

Quelle que soit la forme de la décision collective d’associés, vous devez avoir la pleine capacité juridique au moment de donner pouvoir ou d’exprimer votre vote, laquelle capacité ne doit pas être altérée par une situation physique ou mentale dégradée qui ferait que le pouvoir consenti ou le vote exprimé pourrait être entaché de nullité.

Dès lors, comment peut-être dirigée votre société, et comment peuvent être pris en compte et sauvegardés vos intérêts juridiques et patrimoniaux lors des décisions collectives, s’il vous arrive un accident ou une maladie qui vous empêche temporairement ou durablement d’exprimer votre volonté juridiquement opposable aux tiers et/ou à vos autres associés ?

Si vous n’avez pas anticipé le sujet lors de la survenance de cet évènement, il faudra que tout intéressé justifiant d’un intérêt légitime (autre associé, ou, en cas de société unipersonnelle, membre de votre famille tel que conjoint, enfant majeur, ascendant), saisisse par voie de requête le Tribunal de commerce pour nommer un mandataire ad hoc, voire un administrateur provisoire qui aura pour mission de gérer en vos lieu et place, votre société, en attendant le cas échéant qu’un autre dirigeant soit nommé par la collectivité des associés, soit parmi ceux-ci, soit en dehors d’eux.

Or, à ce titre, si la nomination d’un autre dirigeant dépend des droits de vote attachés à vos parts ou actions, il appartiendra à un membre de votre famille de saisir le juge des contentieux de la protection (avant 2020, le Juge des Tutelles), pour qu’un tuteur soit nommé, afin de vous représenter pour l’exercice de vos droits de vote.

Vous constatez immédiatement que tout évènement grave qui pourrait vous toucher (AVC, coma, etc.) va poser des difficultés au niveau du fonctionnement de votre société, qui peut être lourde de conséquences tant pour l’entreprise, que pour vous et votre famille.

Du jour au lendemain, si vous n’avez rien anticipé, un tiers peut prendre la direction de l’entreprise avec le risque qu’il n’ait pas la même compétence et la même disponibilité au quotidien, que celles que vous apportez aujourd’hui.

En outre, lorsque votre entreprise est votre principale source de revenus et l’essentiel de votre patrimoine (ou contribue au financement de celui-ci), toute vacances dans son management, ou toute dégradation dans la qualité et l’implication de celui-ci portera atteinte plus ou moins fortement (selon la durée et le degré d’altération de vos facultés) à vos revenus futurs et à la valeur de votre patrimoine.

Ainsi, à ce titre si la décision de vendre la société doit être prise, il faudra avoir recours au juge des contentieux de la protection pour autoriser la vente de vos titres sociaux. C’est-à-dire à un professionnel qui n’est pas un spécialiste du droit de l’entreprise, et prendre en compte un éventuel (ou plutôt probable) problème de délai.

En cas de décision de vente du fonds de commerce de la société, il reviendra à l’administrateur provisoire  désigné par le Tribunal de commerce ou au nouveau dirigeant d’intervenir dès lors que les associés lui en auront donné mandat. Ce qui renvoie aussi dans ce cas à la question de votre représentation dans vos droits de vote d’associé.

Mandat de protection future : acte notarié ou sous seing privé ?

Mais vous pouvez aussi décider d’anticiper plutôt que subir en mettant en place un mandat de protection future.

Cet outil juridique a été introduit dans le Code civil par la loi du 5 mars 2007.

Le mandat de protection future se présente comme une alternative au recours au juge des contentieux de la protection. C’est un contrat par lequel vous allez charger une autre personne (avec le consentement de celle-ci) de vous représenter, pour le cas où à l’avenir, vous ne pourriez plus pourvoir seul à vos intérêts.

Le mandataire peut être le conjoint, un membre de la famille ou toute autre personne, que vous choisirez.

Ce contrat confèrera au mandataire des pouvoirs plus ou moins étendus pour gérer tout ou partie de vos biens et/ou protéger votre personne. Sur la dimension protection de la personne, peuvent être traités les sujets de la fin de vie notamment. Il peut même être envisagé (voire recommandé) de désigner un mandataire pour tout ce qui a trait à l’entreprise, et un autre mandataire pour le sujet de la protection de la personne.

Le mandat peut être établi par acte sous seing privé (il devra alors être enregistré auprès du service des Impôts) ou devant notaire (acte authentique).

Il peut être annulé ou modifié à tout moment par le même formalisme, tant qu’il n’est pas activé.

Le mandat de protection future ne pourra être mis en jeu que si le mandant se retrouve dans « l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté » (article 425 du Code civil). »

La mise en jeu de ce mandat se veut simple et rapide. Il appartiendra au mandataire de faire établir le certificat médical auprès d’un médecin figurant sur une liste établie par le Procureur de la République et de le présenter au Greffe du Tribunal Judiciaire avec l’original du mandat ou une copie authentique.

Le mandat établi sous la forme d’un acte notarié donne plus de pouvoirs que le mandat sous seing privé, puisque dans le mandat notarié le mandataire dispose du droit de réaliser presque tous les actes patrimoniaux dans l’intérêt du mandant, dont notamment la possibilité de passer des actes de disposition (sauf les actes de donation).

Ainsi en vertu d’un mandat notarié, le mandataire pourra vendre tout ou partie de vos biens et notamment les parts sociales ou actions que vous détenez dans votre société.

Il sera toutefois prudent dans ce cas que vous fixiez dans le mandat, les conditions et procédures à suivre permettant au mandataire de vendre les parts sociales ou actions que vous détenez, en vue de préserver au mieux vos intérêts patrimoniaux et ceux de votre famille.

L’exécution du mandat peut aussi être contrôlée par le notaire rédacteur.

Mandat de protection future et procuration générale 

L’autre portée importante du mandat au niveau d’une société, va être de conférer au mandataire les droits de vote attachés à vos parts ou actions. Ainsi, par ces droits de vote, le mandataire pourra notamment nommer un autre dirigeant (voire se nommer lui-même dirigeant) qui viendra vous remplacer s’il réunit les conditions de majorité pour le faire. Il conviendra d’adapter les statuts de la société afin de rendre possible la représentation, le cas échéant par toute personne non associée si le mandataire ne l’est pas.

L’avantage du mandat de protection future par rapport à la solution de recourir, par défaut, au juge des contentieux de la protection et/ou au Tribunal de commerce pour désigner un mandataire ad hoc ou un administrateur provisoire, est qu’il vous permet en tant que dirigeant associé, de choisir par avance qui pourra vous représenter dans l’exercice de vos droits de vote, ainsi que le dirigeant « intérimaire » au regard de ses compétences et/ou de sa connaissance de l’entreprise.

En conclusion, nous vous conseillons de mettre en place un mandat de protection future pour prévenir les conséquences négatives, tant pour l’entreprise que pour vos revenus futurs et votre patrimoine, d’un problème de santé qui vous priverait de la faculté d’exercer vos fonctions de dirigeant, et/ou d’exprimer vos volontés pour toute décision collective d’associé. Il vous permettra de choisir la (ou les) personne(s) la (ou les) plus à même de vous représenter, veiller sur vos intérêts, et assurer la pérennité de l’entreprise.

 

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