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Cession d’entreprise : comment sécuriser le prix de rachat des titres d’une société ?

Le 04.04.2023 0 commentaires
cession d'entreprise

Au plan juridique, le rachat d’une entreprise peut se réaliser de différentes manières et notamment par l’acquisition des titres d’une société. 

Pour rappel, une société c’est une enveloppe juridique possible pour une entreprise. Elle possède son propre patrimoine, qui n’est pas celui de ses associés et dirigeants, et qui comprend l’ensemble des biens, droits et obligations (dettes) lui incombant. C’est notamment ce patrimoine qui donne sa valeur à l’entreprise. Il est donc important de bien l’identifier. 

Le patrimoine d’une société se retrouve en principe retranscrit dans ses comptes. On utilise donc naturellement les données comptables d’une société pour se mettre d’accord sur son prix de cession. 

Toutefois, parce qu’une entreprise est en perpétuel mouvement, les données comptables en possession des parties lors des négociations ne traduisent déjà plus la réalité économique de la société. 

Cette situation impose à l’acquéreur une vigilance accrue concernant notamment les modalités de fixation du prix de rachat des titres.  

La pratique juridique a ainsi développé différents mécanismes pour le sécuriser. 

Nous allons évoquer certains de ces mécanismes les plus répandus. 

Fixer un prix provisoire pour aboutir après la vente à un prix définitif  

Les parties conviennent, au vu des éléments en leur possession à la date des négociations, d’un prix provisoire des titres achetés. 

Ce prix provisoire est basé sur les derniers comptes connus à la date de cession et est réglé, en tout ou partie, le jour de la signature (voir paragraphe sur le séquestre ci-après). 

Il fait ensuite l’objet d’un ajustement, après la vente, en fonction d’une formule de calcul assise sur la comparaison de certains éléments ressortant de comptes arrêtés à la date de cession. 

Le plus souvent, cette formule est basée sur la variation des capitaux propres de la société vendue. On compare ainsi les derniers capitaux propres connus à la date de la cession (connus avant la vente) avec ceux des comptes arrêtés à la date de cession (connus après la vente). 

Si les capitaux propres varient à la baisse, le prix des titres baisse également. Si les capitaux propres varient à la hausse, le prix des titres augmente. S’ils sont strictement identiques, le prix définitif est égal au prix provisoire. 

La proportion dans laquelle le prix varie est à définir entre les parties. 

Il est également possible de prévoir une variation uniquement à la baisse lorsque les parties ont convenu que le résultat de l’exercice en cours à la date de la vente restait acquis au repreneur. Dans ce dernier cas, le système de locked-box décrit ci-dessous peut aussi être utile. 

 

Placer une partie du prix des titres sous séquestre  

À la lecture du précédent paragraphe, vous aurez compris qu’à la signature des actes de cession le prix définitif des titres peut ne pas être connu. 

Dans ce cas, si l’intégralité du prix provisoire est versée à la date de signature, il sera plus difficile pour l’acquéreur de récupérer le trop versé si le vendeur refuse de s’exécuter. 

Pour pallier cette difficulté, la pratique a développé la mise en place d’un séquestre d’une partie du prix provisoire des titres achetés. 

Le séquestre est souvent le conseil d’une des parties à la cession. Il a pour mission de conserver le solde du prix provisoire non versé au cédant à la signature de l’acte de vente, et ce, jusqu’à l’accord des parties sur les comptes arrêtés à la date de cession et le prix définitif des titres. 

Le séquestre est également envisageable en présence d’un prix définitif dès la signature de l’acte de cession dans le cas où il est prévu une garantie de passif assise sur des comptes à arrêter la date de cession, pour s’assurer que ces comptes seront bien établis après la vente. 

 

Prévoir un système de locked-box  

Le système de locked-box ou clause de versements est une autre pratique développée pour sécuriser le prix des titres d’une société. 

Elle peut être utilisée lorsqu’il n’est pas arrêté de comptes à la date de cession pour servir de référence à l‘application de la clause de garantie de passif (voir paragraphe ci-après).  

C’est notamment le cas lorsque le résultat de l’exercice en cours à la date de la vente est acquis à l’acquéreur ou lorsque les comptes de référence pour la garantie sont arrêtés à une date différente de la date de signature de l’acte de vente (par exemple des comptes arrêtés le 30 septembre et une signature de l’acte le 5 octobre pour les cas où des comptes ne peuvent être arrêtés en milieu de mois). 

La clause de versements permet d’assurer à l’acquéreur que le vendeur (ou toute autre personne visée par cette clause) n’a pas prélevé, pour son compte, directement ou indirectement, au cours de l’exercice ouvert à la date de cession, de sommes dans la société hors ce qu’il déclare dans la clause de versements.  

Il s’agit notamment des dividendes, rémunérations, ou encore paiement de prestations entre sociétés liées (c’est-à-dire dans lesquelles le vendeur est également intéressé). 

Le vendeur a alors l’obligation de restituer à l’acquéreur ou la société toute somme prélevée non déclarée dans la clause de versement. 

 

Prévoir une clause de garantie de passif assortie d’une garantie de la garantie 

Sauf cas particulier, vous ne pouvez pas envisager de racheter une société sans garantie de passif. 

En effet, à défaut d’une telle garantie, l’acquéreur doit assumer toute somme mise à la charge de la société rachetée après la vente, quand bien même ces sommes seraient dues en raison de faits ou opérations accomplis sous l’empire du vendeur, avant l’acquisition.  

L’exemple le plus parlant est un contrôle fiscal ou URSSAF notifié à la société après la vente, mais portant sur des exercices non prescrits avant la vente. 

Cette clause de garantie de passif (qui couvre également le plus souvent les actifs de la société) est une création des praticiens qui nécessite impérativement une rédaction pointue couvrant notamment, son champ d’application, sa durée, son seuil de déclenchement ou franchise, le plafond des sommes qui peuvent être dues au titre de cette garantie, ses conditions de mise en œuvre et ses sanctions. 

En outre, afin de s’assurer de la bonne exécution de ses engagements par le vendeur, il est très fréquent d’assortir cette clause de garantie de passif d’une contre garantie qui peut constituer une garantie bancaire à première demande ou une caution bancaire solidaire par exemple. 

Ces éléments font nécessairement l’objet de discussions lors des négociations. 

Il existe d’autres mécanismes développés par la pratique permettant de sécuriser le prix des titres d’une société.  

Le présent article n’en dresse pas une liste exhaustive. 

Dans tous les cas, les rachats de sociétés sont des opérations complexes nécessitant d’être accompagné par des conseils experts en la matière (avocats, experts-comptables, etc.). 

En outre, chaque entreprise ayant des zones de risques différentes liées à son mode de gestion et à son activité, les actes juridiques et les clauses à y insérer doivent être rédigés sur mesure

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