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Relations entre producteurs, fournisseurs et distributeurs : la saga continue avec EGalim 3

Le 04.05.2023 0 commentaires

La loi n°2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite « Loi EGalim 3 » ou « loi Descrozaille », s’inscrit dans le prolongement de la loi EGalim 1 du 30 octobre 2018 et de la loi EGalim 2 du 18 octobre 2021.

Sur fond de guerre des prix et de « crise inflationniste », la loi EGalim 3 a pour objectif de rééquilibrer les négociations commerciales entre les fournisseurs et la grande distribution, tout en renforçant le cadre juridique des relations entre les différents acteurs que ce soit sur le marché amont (relations producteurs et 1er acheteurs) ou le marché aval (relations fournisseurs et distributeurs).

Loi EGalim 3 : un renforcement du cadre juridique des relations

  1. Primauté de la loi française

Afin de contrer les stratégies de certains distributeurs qui implantent des centrales d'achat à l'étranger pour ne pas être soumis au droit français, la loi EGalim 3 prévoit désormais que toutes les dispositions du Code de commerce relatives à la transparence dans la négociation commerciale, aux pratiques commerciales déloyales, notamment dans le secteur des produits agricoles et denrées alimentaires, sont d’ordre public. A partir du 1er avril 2023, les relations entre un fournisseur et un acheteur sont donc régies par le droit français, dès lors que les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français, et en cas de litige les tribunaux français ont compétence exclusive.

  1. Extension aux produits de grande consommation

La loi EGalim 3 rappelle l’obligation de négocier de bonne foi la convention unique dédiée aux produits de grande consommation et décide d’étendre le principe de l’obligation du ligne à ligne, qui impose aux parties de préciser leurs obligations réciproques en indiquant leur prix unitaire, à l’ensemble des produits de grande consommation et non plus uniquement aux produits alimentaires. L’objectif est d’éviter une globalisation du prix avec des avantages sans contrepartie. De même, l’interdiction des pratiques discriminatoires est étendue à la négociation, la conclusion et l’exécution de la convention unique portant sur les produits de grande consommation.

  1. Spécificité des grossistes

Les grossistes bénéficient d'un régime juridique distinct, tant en ce qui concerne leurs CVG pour leurs actes d'achat et de vente, qu'en ce qui concerne les conventions uniques fournisseurs/grossistes et grossistes/distributeurs. Ils ne sont pas soumis aux mêmes dispositions que les autres opérateurs.

  1. Encadrement renforcé des pénalités logistiques

Face aux pratiques abusives persistantes en matière de pénalités logistiques, la loi EGalim 3 impose désormais l’élaboration d’une convention écrite dédiée à la logistique, distincte de la convention unique et qui peut être négociée et conclue à tout moment de l’année.

La loi EGalim 3 introduit également une obligation de communication à la DGCCRF, au plus tard le 31 décembre de chaque année, des montants des pénalités logistiques infligées par le distributeur (ou le fournisseur) au cours de l’année avec les montants mensuels réellement perçus. Le non-respect de cette obligation d’information est passible d’une amende administrative de 75 000 € pour une personne physique et 500 000 € pour une personne morale.

S’agissant du montant des pénalités, un plafonnement des pénalités est instauré à hauteur de 2% de la valeur des produits commandés. Le distributeur ne dispose que d’1 an pour appliquer la pénalité, étant précisé qu’il doit adresser un avis de pénalité logistique justifiant du manquement constaté et du préjudice subi.

La loi EGalim 3 prévoit qu’en cas de situation exceptionnelle, extérieure aux parties, un décret en Conseil d’Etat peut suspendre l’application de toutes pénalités logistiques pour une durée maximale de 6 mois renouvelable.

  1. Prolongation de l'expérimentation sur les promotions et le seuil de revente à perte

La loi EGalim 3 décide de prolonger, à partir du 1er mars 2024 et jusqu’au 15 avril 2026, l’encadrement des promotions, en valeur (34%) et en volume (25%), sur les produits alimentaires et d’étendre cette expérimentation aux produits de grande consommation, notamment les produits de droguerie, de parfumerie et d’hygiène.

L’expérimentation sur le relèvement de 10% du seuil de revente à perte est prolongée jusqu’au 15 avril 2025, avec toutefois l’exclusion de la filière des fruits et légumes pour laquelle l’expérimentation s’est traduite par une baisse du revenu des producteurs.

Un encadrement rééquilibré des négociations

  1. Sanctuarisation du prix de la matière première agricole dans les CGV

L’un des apports majeurs de la loi EGalim 2 est d’avoir créé un socle non négociable de la part du prix consacré aux matières premières agricoles avec 3 options laissées au fournisseur pour déterminer cette part. La loi EGalim 3 vient ici renforcer l’option 3 relative à l’intervention d’un tiers indépendant en exigeant la communication d’une part, d’une attestation du tiers indépendant dans le mois qui suit l’envoi des CGV au distributeur, qui validera la méthodologie employée par le fournisseur pour déterminer l’impact sur son tarif de l’évolution du prix des matières premières agricoles, et d’autre part d’une attestation réalisée postérieurement à la conclusion du contrat.

  1. Révision automatique et renégociation du prix dans la convention unique

La loi EGalim 3 revoit le système des clauses de révision automatique et de renégociation du prix mises en place par la loi EGalim 2.

Désormais, la clause de révision automatique du prix dans les contrats doit prendre en compte l’ensemble des coûts des matières premières agricoles et les évolutions des prix doivent être mises en œuvre au plus tard un mois après le déclenchement de la clause.

S’agissant de la clause de renégociation du prix qui invite les parties à négocier en cas de fluctuations des prix qui affectent les coûts de production, la loi EGalim 3 prévoit que l’obligation d’insérer cette clause pourra être exclue dans les contrats de vente de certains produits agricoles et alimentaires définis par arrêté ministériel. Cela vise notamment les contrats dits « à terme » utilisés dans le secteur des céréales.

  1. Etendue de la négociation pour les produits MDD

La loi EGalim 3 étend aux contrats portant sur les produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD) le principe de non-négociabilité de la part des matières premières agricoles dans le tarif, afin de protéger le revenu des agriculteurs. De plus, les contrats avec des fournisseurs de MDD de plus de 12 mois doivent désormais prévoir une clause de la renégociation annuelle pour tenir compte de l’évolution du coût des matières premières agricoles entrant dans la composition.

  1. Sort de la relation commerciale en cas d'échec des négociations

La loi EGalim 3 met en place une expérimentation de 3 ans, soit jusqu’au 1er avril 2026, pour encadrer la relation commerciale en cas d’échec des négociations. A défaut de conclusion ou de renouvellement de la convention unique à la date butoir du 1er mars, le fournisseur peut soit décider de mettre fin à la relation sans que le distributeur ne puisse invoquer une rupture brutale, soit demander un préavis avant la cessation de la relation.

Les parties peuvent saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises pour conclure, avant le 1er avril, un accord fixant les conditions du préavis, étant précisé que le prix convenu, applicable durant la durée du préavis, doit tenir compte des conditions économiques du marché et il s’appliquera rétroactivement aux commandes passées depuis le 1er mars.

  1. Sanctions renforcées en cas de non-respect de la date butoir du 1er mars

L’encadrement de la négociation commerciale est également renforcé par des amendes administratives augmentées en cas de non-respect de l’échéance du 1er mars pour la conclusion de la convention unique : 200 000 € pour une personne physique (400 000 € en cas de récidive), 1 000 000 € pour une personne morale (2 000 000 € en cas de récidive) au lieu de 75 000 € et 375 000 € auparavant.

 

La nouvelle loi EGalim 3 cherche ainsi à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre les différents acteurs économiques à tous les niveaux de la négociation et de la contractualisation de la vente de produits alimentaires et de grande consommation. 

Mais le cadre juridique n'est rien sans la volonté affirmée des acteurs de négocier de bonne foi. C'est dans ce contexte que Bercy vient de demander aux grands industriels la réouverture exceptionnelle des négociations commerciales pour répercuter la baisse des cours des matières premières.

 

Un article rédigé avec la contribution de Doriane Van Eeckhout

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