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Holdings : la réalité, les risques et la substance

Le 24.04.2023 0 commentaires
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Effet de mode, ultime fantasme d’optimisation fiscale, la holding est aujourd’hui à la fois très usitée et largement galvaudée.

Rappelons avant tout que la holding, est une entité juridique qui détient des actions ou parts sociales dans d’autres sociétés. Le schéma de détention de sociétés opérationnelles via une holding est largement répandu dans le paysage entrepreneurial français[1] et se justifie dans nombreuses situations. Mais, victime de son succès, elle est aujourd’hui souvent créée sans qu’une réflexion complète n’ait été menée sur son intérêt. Le rôle du conseil est primordial dans ces situations, et il lui revient d’apporter à ses clients une vision à 360° : réflexion sur les objectifs à court, moyen et long terme, arbitrages, prise en compte de l’ensemble des charges liées à la complexification de la structure et à la remontée des flux financiers …  

Retour sur la réalité de cet outil juridique et fiscal et sur les options qu’il offre véritablement.

 

La holding et ses faux amis

La holding est un modèle de structuration à la fois légitime et utile dans de nombreux cas. Loin d’être exclusivement fiscal, l’intérêt de créer une holding peut prendre diverses formes : simplifier les schémas de détention et la gestion de participations, organiser efficacement des projets de transmission ou de cession, préparer l’intégration de nouveaux associés, envisager des rapprochements avec d’autres sociétés, etc. Toutefois certains schémas récurrents que nous avons pu observer ces dernières années manquent parfois de pertinence.  

Rémunération des dirigeants par dividendes

La holding est souvent envisagée pour revisiter le mode de rémunération des dirigeants. 

Toutefois, la rémunération des dirigeants par remontée de dividendes au niveau de la holding, par opposition au versement d’une rémunération « classique » au sein de la structure opérationnelle, ne constitue pas une optimisation fiscale, mais un arbitrage, qui doit être mûrement réfléchi.

L’allègement de la charge salariale au niveau de la société opérationnelle filialisée n’est pas un gain net. Elle doit impérativement être mise en perspective des objectifs du dirigeant à court, moyen ou long terme :

  • S’agit-il d’augmenter son net en poche en rognant sur les cotisations sociales ?

Si oui, une simulation a-t-elle été effectuée pour donner une visibilité au dirigeant sur le montant des droits auquel il pourra prétendre ?

  • Un achat immobilier à titre personnel est-il prévu dans les prochaines années, auquel cas le dossier en banque sera plus solide s’il est étayé par des bulletins de salaire en bonne et due forme ?

  • Le dirigeant est-il confortable avec l’incertitude liée à un versement annuel de dividendes (potentiellement impacté par des résultats moins probants de l’entreprise sur l’exercice) ?

  • ​Trop souvent occultés, les frais de gestion des holdings doivent également être pris en compte dans la balance pour s’assurer de l’intérêt de l’opération.

Les délicates conventions intragroupe pour prestations de services

Souvent, et éventuellement en combinaison avec le schéma de versement annuel de dividendes évoqué ci-dessus, des conventions intragroupes par lesquelles la holding s’engage à rendre des prestations à la société opérationnelle filialisée sont mises en place.

Or, une réflexion poussée sur le contenu de celles-ci, traduite par une rédaction adéquate, est un travail incompressible à effectuer en amont de leur mise en place. Trop souvent vues comme de simples documents internes sans grand intérêt ni impact, ces conventions sont rédigées de manière lacunaire et floue, et ne couvrent pas l’exhaustivité des prestations effectivement rendues.

Principale conséquence indésirable de telles conventions : elles exposent les dirigeants à une remise en cause de la réalité des prestations effectuées et donc, en cas de contrôle fiscal, à un refus de déduction de ces charges au niveau de la société opérationnelle sur le fondement de l’acte anormal de gestion.

Les prestations rendues et facturées par les holdings doivent non seulement être clairement identifiables et correspondre à de véritables prestations qui doivent pouvoir être documentées. Elles doivent également être clairement différenciées des fonctions de direction – ce qui peut être particulièrement difficile à justifier dans de petites structures où le dirigeant cumule fonctions de direction et opérationnelles.

Les conventions intragroupes sont donc à manier avec la plus grande prudence.

 

Les structurations transfrontières en ligne de mire de l’Union Européenne

S’il était besoin de le rappeler, le droit européen tend vers toujours plus de compliance et d’échange d’informations, nécessitant de la part des entreprises un degré de justification toujours plus élevé sur la pertinence des schémas, et ce, en amont de toute demande de l’administration fiscale.

A ce titre, la directive (UE) 2018/843 relative à la tenue des registres de bénéficiaires effectifs, et le projet de directive 2021/0434 sur la substance des holdings étrangères viennent confirmer cette tendance en soulignant que les structurations transfrontières impliquant des holdings ont fort intérêt à être particulièrement justifiées.

Bénéficiaire effectif : plus rien ne sert de se cacher

La directive 2018/843, transposée en droit français début 2020, impose une obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs de sociétés.

On entend par « bénéficiaire effectif » toute personne physique qui exerce un contrôle direct ou indirect sur une société, notamment par la détention de 25 % du capital ou plus des droits de vote de la société ou entité déclarante. Cette obligation déclarative matérialise les prémices d’un faisceau d’indices qui joue souvent en défaveur des sociétés dès lors qu’elles ont des bénéficiaires effectifs à l’étranger.  

L’administration fiscale s’en est d’ailleurs récemment prévalue en s’affranchissant des conventions fiscales normalement applicables à un schéma, et en écartant d’office le bénéficiaire apparent de redevances au profit du bénéficiaire effectif[2]. Cette décision n’est à notre avis que le point de départ d’une longue série : l’administration fiscale se saisira désormais systématiquement d’un « principe de réalité ».

ATAD 3 ou la présomption du but principalement fiscal

La proposition de directive 2021/0434, dite ATAD 3 ou encore « Unshell directive » a été publiée le 22 décembre 2021 par la Commission européenne. Cette proposition a été adoptée le 17 janvier 2023 par le Parlement Européen.

Beaucoup d’encre a coulé sur cette proposition, dont l’objectif principal affiché est de lutter contre « l’usage abusif d’entreprises qui n’exercent aucune activité économique réelle ». Désormais, une holding européenne avec une activité ou des actifs transfrontaliers se heurte à un triple niveau de preuve, sous peine d’être considérée comme une « société à risque », voire une « société écran » sans substance minimale et dont l’interposition répond à but principalement fiscal.

Parmi les facteurs déclencheurs :

  • Plus de 65% de revenus passifs depuis deux ans (dividendes, intérêts, loyers, plus-values, etc.)

  • Plus de 55% des revenus ou de la valeur comptable des actifs détenus depuis deux ans se situe hors du pays de résidence de l’entité

  • ​L’administration de la société est gérée depuis deux ans soit en interne par moins de 5 salariés à temps plein ou a été externalisée

  • Les bénéficiaires effectifs tirent un avantage fiscal de l’interposition

  • ​L’absence d’un faisceau d’indices permettant de justifier d’une substance (locaux en propre, compte bancaire actif dans l’UE, présence d’un dirigeant qualifié résident ou frontalier de l’entité, etc.).

Les sanctions pour les structures considérées comme écran ou à risque visent essentiellement à priver lesdites structures des avantages fiscaux qui auraient été les leurs du fait de l’interposition. Le projet de directive doit encore être définitivement adopté par le Conseil de l’UE puis transposé en droit français. Mais force est de constater que la tendance va vers une inversion de la présomption : ce n’est plus à l’administration fiscale de prouver un objectif principalement fiscal, mais au contribuable, et ce, en amont de toute procédure de contrôle, de justifier de la pertinence et de la légitimité de sa structure.

Mais l’influence de ce projet de directive se perçoit malgré tout déjà dans la jurisprudence. On pense notamment à l’arrêt Dassault Systems[3] dans lequel c’est la « justification économique sérieuse » de la structure qui a été recherchée et c’est au contribuable d’en apporter la preuve.

 

Pré-constitution de holding : vous êtes-vous posé les bonnes questions ?

Malgré tout, la holding n’est pas nécessairement un terrain miné ! Il s’agit d’un outil complexe à manier avec précaution.

La création d’une holding doit être préparée et réfléchie. Se poser les bonnes questions en amont est indispensable afin d’éviter une complexification inutile du schéma de détention, dans l’objectif d’une rationalisation financière qui s’avèrerait de fait inexistante. La holding oui, mais pas pour tous, ni n’importe comment. 

A méditer.


[1] En 2018 la Banque de France recensait 2/3 de PME de 100 à 250 salariés détenues par l’intermédiaire de sociétés holding. Conclusions M. Yohann Bénard – décision CE plénière du 13 juin 2018 n°395495

[2] Conseil d’Etat du 20 mai 2022, Sté Planet (n°444451)

[3] CE 31 mai 2022, n°453173 – Dassault Systems

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