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Covid-19 : quelles conséquences sur les contrats d’affaires ?

Le 15.04.2020 0 commentaires
covid-19 et contrats d'affaires

Dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19, le Gouvernement français a mis en place des dispositifs spécifiques auxquels s’ajoutent les règles du droit des obligations et des contrats pour faire face à la situation exceptionnelle que nous traversons. 

Mais attention, aucune de ces mesures n’autorise la non-exécution des contrats d’affaires. Les accords commerciaux signés par les parties demeurent applicables et continuent de produire leurs effets. Seul un aménagement exceptionnel et très encadré est possible.  

 

Contrat d’affaires : les mesures exceptionnelles mises en place par le gouvernement

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 a mis en place les conditions de l’état d’urgence sanitaire. L’état d'urgence sanitaire a été déclaré pour une durée de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, soit deux mois à compter du 24 mars 2020 (article 4 de ladite loi).

Sauf prorogation, l’état d’urgence sanitaire est à ce jour fixé jusqu’au 24 mai 2020 sur l’ensemble du territoire national.

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative notamment à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, modifiée par l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020

L’objectif de cette ordonnance est d’organiser le report des délais contractuels qui ont expiré ou qui vont expirer entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois voire de trois mois à compter de la date de cessation de la période d’urgence sanitaire.

Cela devrait permettre aux entreprises de faire face aux difficultés rencontrées pour exécuter leurs obligations au titre de leurs contrats commerciaux dans le contexte actuel. 

> Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ou de déchéance

L’article 4 de l’ordonnance prévoit le report et la suspension des clauses contractuelles qui ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé et qui interviendraient entre le 12 mars 2020 et un mois après la période d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 juin 2020.

Quatre types de clauses sont concernées : les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires et les clauses prévoyant une déchéance.

Si le délai accordé par le contrat à l’une des parties pour réparer une inexécution contractuelle expire entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, le co-contractant ne pourra pas se prévaloir de la sanction prévue en cas d’inexécution. L’application de cette sanction sera suspendue jusqu’au 24 juin 2020.

Dans l’hypothèse où une astreinte ou une clause pénale aurait pris effet avant le 12 mars 2020, son exécution se trouve également suspendue jusqu’au 24 juin 2020.

L’application de ces clauses est paralysée jusqu’au 24 juin 2020.

Au 24 juin 2020, si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligation, l’application de la sanction est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.

En cas d’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d'argent, l’application de la sanction est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la fin de cette période.

> Les délais de résiliation et de renouvellement

L’article 5 de l’ordonnance prévoit le report des délais de résiliation et de renouvellement contractuellement prévus qui interviendraient entre le 12 mars 2020 et trois mois après la période d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 août 2020.

Sont notamment concernés les contrats prévoyant un renouvellement du contrat par tacite reconduction sauf dénonciation par une des parties dans un certain délai. L’objectif de cette mesure est d’empêcher qu’une partie se retrouve prisonnière d’un contrat qu’elle n’a pas pu dénoncer pendant la période de neutralisation

Ainsi, lorsqu’un contrat ne peut être résilié que pendant une période déterminée ou qu'il se trouve renouvelé automatiquement en l'absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai seront prolongés s'ils doivent expirer entre le 12 mars 2020 et le 24 août 2020.

En d’autres termes, la partie qui n'aurait pas pu résilier un contrat ou s’opposer à son renouvellement en raison de l’épidémie de Covid-19 car l’expiration du délai pour le faire serait intervenue pendant la période d’urgence sanitaire, peut bénéficier d'un délai supplémentaire allant jusqu’au 24 août 2020 pour le faire.

S’agissant d’une suspension des délais contractuels, il est important de souligner que le contrat sera alors supposé devoir être exécuté pendant la durée de la suspension aux mêmes conditions que pendant l’exécution du contrat.

ATTENTION : l’ordonnance ne prévoit aucune extinction des obligations prévues au contrat. Le respect de leurs obligations par les parties demeure mais l’inexécution d’une obligation ne pourra être sanctionnée qu’à l’issue d’une certaine période.

ATTENTION : l’application combinée des articles 4 et 5 de l’Ordonnance conduit en réalité à l’impossibilité pour une partie de mettre en œuvre la clause résolutoire pendant cette période en cas d’inexécution de ses obligations par l’autre partie. Pendant cette période, la partie victime de l’inexécution ne dispose donc d’aucun moyen de rendre l’obligation coercitive. Pour autant, la partie qui n’a pas exécutée son obligation n’est pas libérée de toute responsabilité. La sanction de son inexécution est seulement reportée à la fin de la période, sauf à démontrer que l’inexécution serait due à un cas de force majeure par exemple.

Les ordonnances n°2020-315 du 25 mars 2020 et n°2020-316 du 25 mars 2020, complétées par les décrets n°2020-371 du 30 mars 2020 et n°2020-378 du 31 mars 2020

Les circonstances actuelles ont conduit les pouvoirs publics à adopter des mesures particulières pour certains types de contrats.

L’ordonnance n°2020-315 définit les conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure.

L’ordonnance n°2020-316 encadre le paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de COVID-19.

ATTENTION : ces ordonnances ne prévoient aucune extinction des obligations contractuelles mais seulement des aménagements, reports ou absence de sanctions.

 

Contrats d’affaires et Covid-19 : les solutions existantes dans le code civil

Les dispositions gouvernementales ne permettant pas la suspension des obligations contractuelles entre les parties, il convient de se reporter aux solutions issues du Code civil qui peuvent permettre certains aménagements.

L’épidémie de Covid-19 permet-elle d’invoquer la force majeure ?

L’épidémie de Covid-19 permet-elle aux cocontractants d’invoquer la force majeure pour suspendre l’exécution de leurs obligations contractuelles durant la période de crise sanitaire ? 

Le Code civil prévoit que la partie qui invoque la force majeure doit justifier de trois conditions cumulatives (article 1218 dudit code) : 

> un évènement indépendant de la volonté de celui qui ne peut plus exécuter ses obligations : l’épidémie de COVID-19 remplit cette condition.
> un évènement imprévisible lors de la conclusion du contrat : l’épidémie de COVID-19 remplit cette condition pour tous les contrats signés antérieurement à l’apparition de l’épidémie (date à définir par la jurisprudence).
> un évènement irrésistible, c’est-à-dire inévitable et insurmontable qui empêche l’exécution de l’engagement sans solution de substitution.

Jusqu’alors, les rares jurisprudences relatives à une épidémie témoignent de la réticence des tribunaux à faire application de la théorie de la force majeure alors que ce point relève de leur appréciation souveraine.

De plus, les parties ont pu aménager dans le contrat les critères de la force majeure (modification de la définition, liste d’exemples limitative ou non, etc.). Il est donc primordial de se référer au contrat et de faire une analyse au cas par cas.

Dans l’hypothèse où les critères de la force majeure sont remplis et confirmés par les termes du contrat, deux situations sont alors possibles :

> Soit l’empêchement est temporaire, et dans ce cas l’exécution du contrat est suspendue pendant la durée de l’empêchement dans la limite d’un délai raisonnable, l’exécution pouvant reprendre dès la cessation de l’évènement ;
> Soit l’empêchement est définitif et alors le contrat est résolu et le débiteur de l’obligation (notamment de faire ou de payer) est libéré de son obligation sans que le créancier de l’obligation ne puisse prétendre à des dommages-intérêts.

ATTENTION : sauf texte contraire des pouvoirs publics, la force majeure ne peut pas faire l’objet d’une application systématique conduisant, pour toutes les entreprises, à la suspension de l’exécution de leurs obligations contractuelles. Une appréciation au cas par cas est nécessaire.

Le principe de l’exception d’inexécution pour suspendre le contrat

Ce principe permet à une partie de suspendre l’exécution de son obligation dès lors que l’autre partie n’exécute pas son obligation et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves (article 1219 du Code civil).

Ainsi, si une partie suspend le contrat pour force majeure, l’autre partie pourrait tenter d’invoquer la suspension de l’exécution de ses obligations, par exemple une obligation de payer une somme d’argent, en vertu de l’exception d’inexécution.

ATTENTION : pour se prévaloir de ce principe, il faut que l’obligation inexécutée par l’une des parties soit essentielle au contrat et que son inexécution génère de graves conséquences. 

L’imprévision : un motif de renégociation du contrat ?

L’article 1195 du Code civil précise que si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie, celle-ci peut demander une renégociation de son contrat tout en continuant à exécuter son obligation.  

Sous réserve de pouvoir démontrer que l’exécution du contrat est devenue excessivement onéreuse pour lui, le débiteur d’une obligation pourra donc demander à son cocontractant une renégociation du contrat, étant précisé que pendant le temps de la renégociation, les parties devront continuer d’exécuter leurs obligations.

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties pourront convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles détermineront, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation.

A défaut d’accord entre les parties, le juge pourra réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixera.

ATTENTION : L’imprévision ne peut concerner que les contrats conclus ou renouvelés après le 1er octobre 2016 et il faut vérifier que son application n’a pas été écartée par une clause spécifique du contrat. 

ATTENTION : L’imprévision ne permet pas de suspendre ou d’arrêter l’exécution d’obligations contenues dans un contrat. Pour que l’imprévision permette au débiteur de s’affranchir de l’exécution totale ou en partie de ses obligations, il faut l’accord du co-contractant ou une décision du juge.

A noter : s’il est impossible au regard du contrat d’invoquer l’imprévision, il est toujours possible de solliciter de son partenaire une renégociation amiable. 

En résumé, que se passe-t-il si le prestataire n’est pas en mesure de livrer sa prestation de services comme prévu le 15 avril 2020 ?

Dans la mesure où la prestation de services doit intervenir pendant la période d’urgence sanitaire, la clause résolutoire prévue au contrat (qui entraîne notamment la restitution des sommes versées) ne produira pas ses effets si le prestataire ne délivre pas sa prestation comme convenu le 15 avril 2020. Le client ne pourra se prévaloir de la clause que si le prestataire n’a toujours pas exécuté son obligation le 24 juin 2020.

Un contrat a été conclu le 20 mars 2019 pour une durée déterminée d’un an avec une clause de tacite reconduction sauf notification de la résiliation un mois avant son terme. En l’absence de notification de résiliation par l’une des parties, le contrat a-t-il été reconduit ?

Dans la mesure où le délai de notification a expiré au cours de la période d’urgence sanitaire, chacune des parties pourra encore s’opposer au renouvellement du contrat dans les trois mois qui suivent la cessation de l’état d’urgence, soit jusqu’au 24 août 2020.

 

Coronavirus et contrats d’affaires : nos 4 conseils pour passer le cap

1. Aucune décision ne doit être prise unilatéralement avant une lecture approfondie du contrat et une analyse de la situation de chacune des parties au contrat.

2. Toute décision de suspension ou non-exécution d’une obligation contractuelle doit obligatoirement être notifiée à l’autre partie dans les conditions prévues au contrat et être justifiée.

3. Même s’il est impossible de forcer l’exécution des contrats, il est important de respecter le plus possible les délais ou de trouver un accord satisfaisant pour pérenniser la relation commerciale. 

4. Pendant cette période de crise sanitaire, tous les aménagements aux contrats d’affaires doivent être formalisés par écrit et il est recommandé à chacune des parties de se ménager des preuves.

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